Comment faire de belles photographies d’architecture ? Le cadrage (1)

Dans cette série d’articles, je vous propose de découvrir rapidement quelques astuces pour améliorer la qualité de vos prises de vue très simplement, sans changer de matériel et sans rester des heures à attendre le bon moment.

Ce sont des conseils simples mais importants, que vous pouvez appliquer dans toutes les situations, avec votre smartphone ou tout autre appareil même si vous utilisez le mode « Auto ». La seule chose que vous aurez besoin de faire pour progresser c’est de regarder, d’abord sans l’appareil et ensuite avec, et de vous déplacer (attention si vous marchez en regardant dans l’appareil d’être attentif à votre environnement..!).

Marc Mimram - Passerelle Solférino
Mimram | Pont | Paris

Ces quelques pistes, je vous les donne dans mon domaine de prédilection, l’architecture, mais beaucoup pourront s’appliquer à d’autres situations. Bien entendu, il y a quelques spécificités et exigences en photographie d’architecture que je vous signalerai également.

Au programme, nous allons aborder différents thèmes tels que le cadrage, la composition, la matérialité, la lumière et l’humain.

Aujourd’hui je vous propose de commencer avec le cadrage.
Quel est le sujet ?
Se déplacer
Zoomer ?
Petite conclusion avant la suite…

Quel est le sujet ?

La première question à vous poser serait : Qu’essayez-vous de montrer ?

Mettons-nous en situation : je suis devant un bâtiment qui m’interpelle. Pourquoi ce bâtiment en particulier attire-t-il mon attention ? Est-ce que sa dimension ou sa forme créent un contraste avec le contexte que je veux mettre en valeur ? Est-ce qu’un élément contemporain vient interrompre un environnement classique ? …

En clair : le contexte apporte-t-il un élément de compréhension, de mise en valeur de mon édifice sur lequel je veux insister, ou n’est-il qu’accessoire pour le message que j’essaie de communiquer ?

Prenons cet exemple de deux photos de la pyramide du Louvre construite par l’architecte Ieoh Ming Pei.
Dans la première j’ai voulu souligner l’acte audacieux de cette construction contemporaine dans cet ensemble historique. J’ai cherché un point de vue qui me permettrait d’une part de mettre la pyramide en avant (c’est mon sujet principal), mais également de montrer le milieu dans lequel elle s’intègre grâce à l’arrière-plan.

Dans la seconde au contraire, j’ai cherché à insister sur la structure, sur cet assemblage de verre et d’acier. Je voulais produire une image qui ne parle que de ça, dont la lecture ne soit pas perturbée par son imposant environnement. De l’extérieur, il faudrait un cadrage très serré pour y arriver et la lecture de la pyramide s’en trouvait fortement réduite. J’ai donc choisi une vue intérieure en contre-plongée : en regardant en l’air le Louvre a disparu et l’arrière-plan de ma photo est devenu le ciel.

Musée et pyramide du Louvre 2. Architecte : Ieoh Ming Pei
Louvre | Pei | Paris
Sous le plus grand chapiteau du monde, un Claude Lévêque foudroyant
Claude Lévêque

Se déplacer

Prendre conscience de votre sujet et du message que vous essayez de faire passer à travers votre photo vous permettra de savoir si vous devez faire sortir ou intégrer l’environnement dans votre cadrage.

Et pour ceci, rien de plus simple, il suffit de vous déplacer ! Si vous vous approchez du bâtiment, votre cadrage se resserra sur lui, si vous vous en éloignez, vous pourrez inclure un contexte plus large. Cela peut sembler assez bête dit de cette façon, mais je vous assure que vos photos seront significativement meilleures lorsque vous aurez compris l’importance de vous déplacer.

En vous rapprochant ou vous éloignant, en tournant autour de votre bâtiment vous pourrez faire apparaître ou disparaître des éléments de votre cadrage. Pour prendre une bonne photo il faut prendre le temps. Regarder, chercher les points de vue. Écouter ce que le bâtiment, ce que la ville nous disent.

J’espère que l’exemple de la pyramide vous a plu car je vais continuer avec celui-ci ! Je me suis arrêté sous la pyramide. Pour ceux qui connaissent un peu cet endroit, il y a ce plafond de verre bien sûr, mais il y a aussi un magnifique escalier en colimaçon tout en courbe qui accompagne notre descente.

Mais petite parenthèse d’abord : les escaliers sont souvent de beaux sujets à photographier. En regardant depuis le bas vers le haut, ou l’inverse (en faisant bien attention de ne rien faire tomber ou basculer car il faut souvent se pencher…), on produit des images en spirale très graphique. C’est un procédé très simple qui nécessite seulement de bien se positionner, et de bien orienter son appareil, comme le montrent les deux premières photo ci-dessous.

Arc de triomphe
Arc de triomphe | Paris
Escalier de la basilique Notre-Dame de Fourvière
Fourvière | Lyon
Larme (escalier de la pyramide du Louvre)
Louvre | Paris

Sous la pyramide, l’escalier n’est pas assez haut et trop large pour produire cet effet. Mais en le parcourant, en observant toutes ses facettes, en me penchant, j’ai pu découvrir ce point de vue tout à fait original où ses courbes dessinent le profil d’une goutte d’eau dans laquelle le toit de verre de la pyramide est inscrit. Seul le déplacement m’a permis d’arriver à ce résultat.

Zoomer ?

Bien entendu il n’est pas toujours possible d’aller partout ! Vous serez confrontés à de nombreux obstacles que vous ne pourrez pas toujours franchir : des voies ferrées, un plan d’eau, des barrières, ou tout simplement une distance qui ne peut physiquement pas être parcourue (je ne parle pas de ne pas avoir le temps de le faire, mais de ne pas pouvoir le faire au sens physique !)… Parfois ils sont juste… gênants, mais parfois on peut profiter de ces éléments (j’y reviendrai également dans la partie sur la composition et la matérialité).

Dans le premier exemple j’ai voulu utiliser le reflet du bâtiment dans l’eau et je me suis accroupi pour obtenir exactement le résultat que je voulais. Dans le second j’ai carrément préféré inverser la contrainte (la route) en outil pour faire parler mon image : j’ai attendu le moment propice où le taxi jaune (facilement reconnaissable) et le camion de livraison viendraient mettre en résonance le drapeau américain.

Base sous-marine 2
Base sous-marine | Bordeaux
Times Square
Times Square | New-York

Et puis parfois en vous déplaçant la perspective change et ne fait plus apparaître les éléments comme vous le souhaiteriez. Dans ce cas, si votre appareil le permet vous pouvez utiliser votre zoom. Je parle d’un vrai zoom optique pas du zoom numérique de votre smartphone !

Petite parenthèse technique : pour le premier ce sont le déplacement des lentilles de l’objectif qui vont changer le cadrage, et la qualité de l’image restera sensiblement la même (c’est seulement la qualité de votre objectif qui dégradera la photo). Sur les smartphones (et certains appareils qui proposent cette fonction en plus du zoom optique), le zoom numérique ne correspond en réalité qu’à un recadrage de votre photo qui se fera au détriment de la qualité (vous n’utiliserez plus les X mégapixels de votre capteur mais seulement une partie).

On a tendance à dire que zoomer écrase les perspectives. C’est vrai et faux à la fois. Zoomer ne modifie pas la perspective, mais comme vous en cadrez seulement la partie la plus lointaine, les éléments semblent se rapprocher. Ainsi sur cette photo la Bibliothèque Nationale de France et le Sacré-Cœur semblent juste à côté alors qu’il y a quand même 6,5km entre eux !

Montmartre entre les tours de la bibliothèque François Mitterrand (Nikon D7100 et 18-300mm utilisé à 175mm, f/13)
Montmartre entre les tours de la BNF (Nikon D7100 et 18-300mm utilisé à 175mm, f/13)

Si vous avez un appareil reflex vous avez peut-être entendu parler des objectifs grand-angle qui produisent l’effet inverse : en agrandissant le champ de vision ils semblent exagérer les perspectives. Pour arriver à certains résultats en architecture c’est très utile car cela permet d’inclure des éléments très grands comme les bâtiments lorsque l’on a peu de possibilité pour reculer.

Petite conclusion avant la suite…

Zoomer ne doit pas remplacer le déplacement quand il est possible ! Je zoome à dessein pour garder un point de vue ou pour « réduire » les perspectives (ou les agrandir), je ne zoome pas parce que je n’ai juste pas le courage de m’approcher… Je réfléchis à ce que je veux montrer et je me déplace (je me baisse, je m’allonge par terre s’il faut, j’utilise mon environnement pour avoir un point de vue plus élevé…) ! Utiliser une focale fixe ou s’abstenir de zoomer avec son smartphone peut être un bon apprentissage à cet égard.

Vous verrez que plus on pratique, plus on apprend à trouver les bons points de vue. N’hésitez pas non plus à regarder ce que d’autres photographes ont fait pour vous constituer une culture photographique et vous donner de nouvelles idées.

J’espère que ce premier article vous a plu, on se retrouve bientôt pour parler de composition !