Dans les deux derniers articles nous avons abordé successivement la question du cadrage puis celle du format et de l’orientation.
Nous nous intéresserons ici à la question de la composition. Nous verrons qu’il existe quelques règles simples qui la dirigent et qu’il est utile de les avoir en tête au moment de faire sa photo. Ce petit exercice deviendra rapidement un réflexe qui vous permettra d’améliorer en toute facilité la qualité de vos prises de vue.
– Sens de lecture
– Symétrie et règle des tiers
– Lignes directrices et perspective
– Cadres et plans
– Conclusion !
Sens de lecture
La première des choses auxquelles je voudrais vous sensibiliser, c’est ce que l’on appelle le sens de lecture. De la même manière que votre regard parcourt un texte de gauche à droite, et de haut en bas, il déchiffrera les images dans ce sens. Sur la première des deux photos ci-dessous, nos yeux lisent des ombres qui s’allongent, qui apparaissent. À l’inverse, sur la deuxième image (que j’ai obtenue par symétrie sur mon ordinateur), les ombres semblent rétrécir, s’effacer. Le sentiment que vous communiquerez sera donc diamétralement opposé : une fois vous évoquerez une progression et une autre une disparition.
Dans son livre « La photo urbaine » (à mettre entre toutes les mains !), Éric Forey (je vous conseille également son site qui peut être une bonne source d’inspiration) utilise l’image de l’escalier pour expliquer le sens de lecture : dans un sens il monte, et dans l’autre il descend. J’ai reproduit cet exemple avec une de mes photos ci-après car je le trouve très parlant.
Il est bon de garder ces principes en tête même si d’autres facteurs vont entrer en jeu pour la lecture d’une image, comme la perspective ou les lignes directrices. Avant de les aborder, je vais vous conduire vers un autre concept qui est utilisé dans tout type de photographie, la règle des tiers.
Symétrie et règle des tiers
Dans l’article précédent, je vous expliquais que le photographe débutant a tendance à mettre son sujet au centre de l’image, ce qui en architecture peut avoir des résultats très intéressants si cela est fait avec une grande rigueur. Ce type de composition est tout à fait adapté pour mettre en valeur les sujets symétriques ou ceux qui répètent des éléments architecturaux, car il insiste sur la justesse de leurs géométries.
Dans le premier exemple, la rosace que dessine la structure du pavillon de la Turquie exprime tout son potentiel avec ce cadrage. Pour y arriver cela demande beaucoup de précision et un peu de pratique car cette photo est prise en regardant en l’air. On peut s’aider d’un trépied pour prendre le temps de bien construire son image, mais c’est tout à fait possible à main levée également, avec de l’entraînement. Sur la seconde image (la Porta Garibaldi à Milan), j’ai laissé l’arche au centre pour bien exprimer sa construction classique. Gardez cette photo en tête car elle présente d’autres caractéristiques sur lesquelles je reviendrai plus loin dans cet article.
Néanmoins le cadrage centré ne se marie pas très bien avec certains types de bâtiment, et il peut produire des clichés qui manquent de dynamisme. Pour y remédier, il existe un concept de composition bien pratique que l’on appelle règle des tiers. Cette règle est très utilisée en photographie, mais également en peinture, car elle aide à obtenir des images plus harmonieuses, avec des proportions agréables à regarder.
Cette fameuse règle consiste à imaginer sa photo divisée par des lignes en 3 parties égales dans le sens de la hauteur, et 3 dans le sens de la largeur (voir photo ci-dessous). On place ensuite les éléments importants de la composition le long de ces lignes ou à leurs intersections.
Dans l’image ci-après que j’ai réalisée pour illustrer l’automne à Paris, on constate ainsi plusieurs choses :
– à l’arrière-plan, j’ai placé la première tour de la Bibliothèque Nationale de France le long de la première ligne verticale. Sa couleur bleutée contraste et fait ressortir les teintes de l’automne qui composent le reste de l’image, notamment le doré de la deuxième tour à droite. Cette dernière occupe les deux tiers de l’arrière-plan car c’est la tonalité principale qui m’intéressait.
– j’ai voulu confronter l’arbre, vivant, et la BNF, cet ensemble architectural imposant qui semble inerte. J’ai placé l’arbre au niveau de l’intersection inférieure gauche, et à l’opposé, à la rencontre des lignes de tiers en haut à droite, j’ai mis le reflet du bâtiment. Au-delà des couleurs, il y a aussi une opposition des formes, organiques d’une part, géométrique de l’autre.
Cette règle peut vous servir pour guider votre composition (sur certains appareils on peut même faire apparaître ce quadrillage dans le viseur pour s’aider au moment de la prise de vue), mais elle n’est qu’une des contraintes créatives à votre service. À vous de l’adapter en fonction de vos sujets et de ce que vous voulez leurs faire dire. Il peut être utile et même souhaitable de prendre quelques libertés par rapport à ce principe de composition, selon votre ressenti et selon les éléments de votre photo à valoriser.
Lignes directrices et perspective
Dans la photo d’architecture, l’importance des lignes est primordiale. Selon l’angle de la prise de vue et la composition, telle ou telle ligne peut sembler tout à fait statique ou au contraire se révéler très dynamique et donner une direction forte à l’image. Il faut faire très attention, si possible au moment de prendre la photo. En effet, même s’il est possible de corriger quelques erreurs avec un logiciel, le résultat est généralement moins satisfaisant car cette déformation a posteriori dégrade l’image en l’étirant ou en la compressant.
Par défaut, on essaiera de garder les verticales d’un bâtiment bien parallèles aux bords de l’image. Pour cela, l’appareil doit rester parfaitement parallèle au sol si la photo est cadrée de manière horizontale, ou bien perpendiculaire si elle est verticale. Ainsi on n’aura pas l’impression que votre bâtiment penche ou est en train de tomber… Il aura l’air parfaitement stable. Pour cadrer de grands bâtiments en respectant ces règles, vous aurez parfois besoin de reculer et d’utiliser un zoom ou de trouver un point de vue en hauteur.
Bien entendu il n’est pas interdit de faire une prise de vue en contre-plongée ou en plongée ! Mais c’est un choix qui doit être assumé, franc, et vous devez en tirer parti. Les verticales participeront alors au dynamisme de l’image.
Dans les deux photos ci-après du même édifice (la Cité des Affaires), la première insiste sur sa relation à la ville : les verticales participent à la stabilité du bâtiment et laissent aux horizontales de part et d’autre le soin de diriger le regard vers le bâti existant. Tandis que la seconde, prise en penchant l’appareil vers le haut, dramatise la hauteur de la construction. Cet effet est renforcé par l’utilisation d’un objectif grand-angle et l’absence d’un contexte pour donner une échelle ; celle-ci n’étant communiquée que par les deux petits personnages au bout de la ligne noire au sol.
Pour les horizontales, c’est un peu la même histoire. Soit vous visez le bâtiment bien en face, et vous gardez les lignes horizontales parallèles au bord de l’image afin d’asseoir l’édifice, soit vous choisissez un angle qui va donner à ces lignes une direction. Essayez alors de l’utiliser pour conduire le regard vers un autre élément : une deuxième construction ou un personnage par exemple !
Si vous êtes entourés par une architecture, dans une rue étroite, sur un pont ou dans un tunnel, dans un couloir, etc., tous les éléments horizontaux autour de vous vont fuir vers un même point (ceux qui sont parallèles entre eux). Ils donneront un sens fort à votre image. Vous choisirez alors soit un point de vue décentré selon votre ressenti, soit vous vous placerez au milieu pour jouer avec la régularité de cette forme.
Dans ce cas, la réalisation doit être parfaite. Aidez vous des bâtiments qui ont des informations à vous fournir. Si vous ressentez une géométrie, c’est qu’elle a sans doute été dessinée, voulue ! Comptez le nombre de colonnes, de fenêtres ou de tout élément architectural, alignez tout ce qui est sur le même axe, les lampes, les poutres, etc., observez soigneusement et déplacez-vous pour être au centre la figure. Si vous avez des lignes directrices fortes vous pouvez les faire arriver dans les angles de votre image pour lui donner encore plus de puissance.
Si vous placez les verticales et les horizontales parallèles aux bords de l’image, et que vous êtes bien face du bâtiment (et encore plus si vous utilisez un zoom car cela atténuera les perspectives) au point de faire disparaître toute ligne fuyante, vous pourrez obtenir des compositions graphiques et minimalistes comme les premières images au début de cet article.
Cadres et plans
Pour terminer ce long article, qui, je l’espère, vous aura intéressé, je vais revenir sur la notion de plans que j’avais déjà esquissé lors de mon explication sur le cadrage.
L’architecture s’insère dans un contexte, quel qu’il soit, ville ou paysage. On a vu qu’en se déplaçant, en changeant son angle de vue, on peut le faire disparaître. Mais on peut également l’intégrer à sa composition. Il peut être placé « librement » sur un des côtés de l’image, ou être au premier plan comme je l’ai fait pour les feuilles sur la photo de la BNF, ou encore composer l’arrière-plan.
Pour jouer avec les plans, il est intéressant d’intégrer un cadre dans le cadre. Dans la photo de la Porta Garibladi ou celle de la Cité des Affaires (plus haut), j’ai utilisé le bâtiment pour cadrer le contexte. Parfois on peut aussi trouver un premier plan qui crée un cadre sur le bâtiment qui nous intéresse comme l’illustre les deux photos ci-après. Je vous rappelle aussi que plus vous zoomerez, plus les plans sembleront confondus, et inversement (voir Zoomer ?)
Tout comme l’arrière-plan que l’on a tendance à négliger au début de son apprentissage, le sol a aussi son importance en photo d’architecture. Il a des marquages et des matières qui forment des surfaces et des lignes auxquelles on doit penser au moment de prendre sa photo. Si vous regardez de nouveau l’image de la Porta Garibaldi plus haut, vous verrez toute l’importance du sol pour guider le regard vers l’arche d’abord, puis vers la tour à l’arrière-plan ensuite.
Enfin, posez vous la question du ciel ! Certains méritent d’être mis en valeur, d’autres n’apportent pas grand chose à votre image. Mais j’y reviendrai ultérieurement dans un autre article.
Conclusion
Vous l’aurez compris, il existe de nombreuses règles et astuces pour réussir sa photo d’architecture. Je pense qu’il est important de les connaître et de les assimiler car ce sont des contraintes créatives qui vous aideront à communiquer plus facilement l’intention de votre image.
Quand vous les aurez pratiquées, il vous sera aussi plus facile de les oublier, et paradoxalement de vous en affranchir et de les détourner, car vos choix seront plus francs et votre dessein plus clair.
Merci pour votre attention et à bientôt pour de nouveaux conseils !